Perdu dans les méandres du Tube, en tentant d’oublier l’issue de l’élection outre-atlantique, je tombe sur un duel opposant deux catcheurs des plus mémorables. La seule vision du slip canari me plonge illico dans le vortex des années 80, quand l’empire américain parfaisait l’éducation cathodique des coupes au bol dans tout le bloc de l’Ouest.
Un petit récap du pédigrée de ces poids lourds de la lutte chorégraphiée ? A ma gauche, le multiple champion du monde, ex-guichetier converti au culturisme télévisé et rock patriotique, dont la calvitie pointe à 2m08 pour 137 kilos, « Hulk Hogan » le Super Destructeur alias Mister America. A ma droite, l’unique frenchy ayant obtenu la ceinture suprême, vétéran des coups simulés de ses 2m23 pour 210 kilos, surnommé la Huitième merveille du monde ou le Monstre de la Tour Eiffel, « André The Giant ».
Pour les gamins flanqués en 1988 devant leur écran, ce duo représente le sommet des spécimens peuplant la WWF (World Wrestling Federation, acronyme perdu depuis au profit du panda géant). Une belle bande de gros durs, anabolisés ou simplement obèses, aux voix d’ogres, dont beaucoup tutoient les sept pieds et l’autobronzant. The Ultimate Warrior, Undertaker, Randy Savage, King Kong Bundy, Rowdy Roddy Piper et autres Coco B. Ware forment cette panoplie attachante de surhommes qui aime à se stranguler sous le regard de leurs survitaminés managers, d’arbitres et chroniqueurs en paille, pour des milliers de fans.
L’affrontement se déroule chez un hôte récurrent de la Wrestlemania : le quadra Donald Trump. Son stade plein à craquer de mains géantes en mousse, de sceaux de pop corn ou soda constitue un beau filon qu’il exploitera jusqu’à se décoiffer dans un improbable combat des milliardaires vingt ans plus tard…

Bercée par « Bad » de Michael Jackson ou l’oubliable « Naughty Girl » de Samantha Fox, cette année 88 se situe en pleine Hulkmania, alors qu’André demeure l’un des seuls pouvant défaire le grand moustachu de son titre. Tout l’enjeu de la confrontation est de voir si Hogan réussira sa promesse de porter le colosse au-dessus de sa tête avant de l’envoyer au tapis. Si Dédé n’a plus la grande souplesse, il joue sa brute avec poigne, tandis qu’Hulk démontre une résistance aux mandales aussi spectaculaire que ses yeux exorbités. Je vous épargnerai ici la description du match, en vous invitant à (re)voir ce show, avec des lunettes d’enfants ou celles observant les grosses ficelles d’une tragédie grecque : le bien, le mal, la fourberie, la justice, la haine et l’amour indispensable du public.
Mais au-delà du tendre souvenir, je me disais qu’en enfilant son collant de candidat à la Maison blanche, Trump prouve – là encore – que du showbiz à la politique il n’y a qu’un pas. Cette confrontation entre Hilary Clinton et Donald Trump aurait d’ailleurs pu faire l’objet d’une chronique enjouée d’un bon vieux catch :
C’est incroyable, « Killary » s’apprêtait à bondir de la troisième corde pour plaquer « Orange Mad » au sol, quand celui-ci réussit à l’esquiver par une roulade vers l’extrême-droite du ring, laissant la favorite complètement k.o. Entre l’effroi, les huées des uns et l’applaudissement des autres, il soulève à présent la ceinture. Comment a-t-il donc fait Bobby ?
Oui, c’est fou Billy, je n’y crois toujours pas! On a jamais vu un enchaînement aussi efficace : marteau-piqueur (médiatique), descente du coude (politique) et prise du sommeil (démocratique)… Nous avons en tout cas un nouveau champion chers téléspectateurs…
